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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/26

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l’eau battait le quai, grondait en bouillonnant sur le plan incliné des cales, et l’on entendait s’entrechoquer les barques de pêche entassées les unes près des autres, chacune à leur mouillage habituel.

Déjà, ça et là, le long du quai, sous les ténèbres finissantes, claquaient les sabots des pêcheurs, causant par groupes en attendant le lever de l’aube, et des bribes de conversations passaient, emportées par la rafale dans ses gémissements :

— Diable de suroît !

— Hé ! Jean-Pierre, t’as-t-y rentré les pâgniers ?

— Le ciel se dégraisse pas au contraire !…

— Espère voir un peu que ça se lève !…

Des voix se croisant, coupées d’arrêts brusques, de mots qui n’arrivaient pas, des voix rauques à la prononciation précipitée, rocailleuse, voletant à travers ces mille tapages de la nature, comme des voix d’ombres, d’êtres surnaturels, roulées par la rafale en un grondement de cailloux entre-choqués.

Insensiblement, les heures passant, une modification s’opérait. Une transparence jaunâtre commença à monter dans le ciel sombre, découpant vaguement une côte très élevée juste en face du bureau du port, et Guivarcʼh distinguait déjà la presqu’île de Roscanvel, dont les falaises barraient la vue, courant toujours plus hautes vers le Goulet, où se dressait, énorme, la pointe formidable des Capucins.

Des objets émergeaient les uns après les autres