Page:Guttinguer - Les Funérailles de Charles Nodier, 1844.djvu/9

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En jetant un regard encor sur ta demeure,
Je te suivais de l’âme à cette dernière heure,
(La première peut-être !) à travers tout ce deuil,
Dont un soleil riant éclairait le cercueil.
L’hiver interrompait sa sinistre tempête ;
Le beau temps annonçait qu’au ciel il était fête ;
Ton esprit s’élevait impérissable et doux,
Tandis que, pour pleurer, nous étions à genoux,
Tristes, pâles, muets, tournant un regard sombre
Sur le linceul béni, nous croyions suivre une ombre
Ô mortels insensés ! les ombres !… c’étaient nous !

Adieu donc ! ou plutôt au revoir, noble frère,
Le siècle brillera longtemps de ta lumière :
Le siècle t’a compris ; mais te ressemble-t-il ?
Non ! jaloux, orgueilleux, amer, vieux, puéril,
Il sent qu’il perd en toi son reste d’innocence,
Et ces douces vertus filles de l’indulgence.
Tu n’as point d’héritier, dans ce monde, emporté
Par le coursier sans frein de notre liberté ;
Le temple s’est fermé, l’aimable causerie,
En perdant ton foyer, a perdu sa patrie ;
Nous avons au forum l’éternel orateur,
Mais nous avons perdu notre immortel conteur.