heure dernière, la vie qu’elle avait attendue sans doute, vidant ses rêves eux-mêmes au moment où tout allait finir pour elle.
Cimme, dans le jardin, jouait avec le petit Joseph et le chien, s’amusant beaucoup, d’une gaieté de gros homme aux champs, sans aucun souvenir de la mourante.
Mais tout à coup il rentra, et, s’adressant à la bonne :
— Dis donc, ma fille, tu vas nous faire à déjeuner. Qu’est-ce que vous allez manger, mesdames ?
On convint d’une omelette aux fines herbes, d’un morceau de faux-filet avec des pommes nouvelles, d’un fromage et d’une tasse de café.
Et comme Mme Colombel fouillait dans sa poche pour chercher son porte-monnaie, Cimme l’arrêta ; puis, se tournant vers la bonne : — Tu dois avoir de l’argent ? Elle répondit :
— Oui, Monsieur.
— Combien ?
— Quinze francs.
— Ça suffit. Dépêche-toi, ma fille, car je commence à avoir faim.
Mme Cimme, regardant au dehors les fleurs grimpantes baignées de soleil, et deux pigeons amoureux sur le toit en face, prononça d’un air navré : — C’est malheureux d’être venus pour une aussi triste circonstance. Il ferait bien bon dans la campagne aujourd’hui.
Sa sœur soupira sans répondre, et Colombel murmura, ému peut-être par la pensée d’une marche : — Ma jambe me tracasse bougrement.
Le petit Joseph et le chien faisaient un bruit terrible : l’un poussant des cris de joie, l’autre aboyant éperdument. Ils jouaient à cache-cache autour des trois plates-bandes, courant l’un après l’autre comme deux fous.
La mourante continuait à appeler ses enfants, causant avec chacun, s’imaginant qu’elle les habillait, qu’elle les caressait, qu’elle leur apprenait à lire : « Allons ! Simon, répète : A B C D. Tu ne dis pas bien, voyons, D D D, m’entends-tu ! Répète alors… »
Cimme prononça : — C’est curieux ce que l’on dit à ces moments-là.