Page:Guy de Maupassant - Clair de lune.djvu/8

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Dieu, et il trouvait presque toujours. Ce n’est pas lui qui eût murmuré dans un élan de pieuse humilité : « Seigneur, vos desseins sont impénétrables ! » Il se disait : « Je suis le serviteur de Dieu, je dois connaître ses raisons d’agir, et les deviner si je ne les connais pas. »

Tout lui paraissait créé dans la nature avec une logique absolue et admirable. Les « Pourquoi » et les « Parce que » se balançaient toujours. Les aurores étaient faites pour rendre joyeux les réveils, les jours pour mûrir les moissons, les pluies pour les arroser, les soirs pour préparer au sommeil et les nuits sombres pour dormir.

Les quatre saisons correspondaient parfaitement à tous les besoins de l’agriculture ; et jamais le soupçon n’aurait pu venir au prêtre que la nature n’a point d’intentions et que tout ce qui vit s’est plié, au contraire, aux dures nécessités des époques, des climats et de la matière.

Mais il haïssait la femme, il la haïssait inconsciemment, et la méprisait par instinct. Il répétait souvent la parole du Christ : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? » et il ajoutait : « On dirait que Dieu lui-même se sentait mécontent de cette œuvre-là. » La femme était bien pour lui l’enfant douze fois impure dont parle le poète. Elle était le tentateur qui avait entraîné le premier homme et qui continuait toujours son œuvre de damnation, l’être faible, dangereux, mystérieusement troublant. Et plus encore que leur corps de perdition, il haïssait leur âme aimante.

Souvent il avait senti leur tendresse attachée à lui et, bien qu’il se sût inattaquable, il s’exaspérait de ce besoin d’aimer qui frémissait toujours en elles.

Dieu, à son avis, n’avait créé la femme que pour tenter l’homme et l’éprouver. Il ne fallait approcher d’elle qu’avec des précautions défensives, et les craintes qu’on a des pièges. Elle était, en effet, toute pareille à un piège avec ses bras tendus et ses lèvres ouvertes vers l’homme.

Il n’avait d’indulgence que pour les religieuses que leur vœu rendait inoffensives ; mais il les traitait durement quand même, parce qu’il la sentait toujours vivante au fond de leur cœur enchaîné, de leur cœur humilié, cette éternelle