Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/133

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le silence de cette maison où il attendait le plus grand bonheur qu’il eût espéré, il savoura, seul avec son rêve, en allant et venant de la chambre au salon, parlant haut, imaginant, déraisonnant, la plus folle jouissance d’amour qu’il devait jamais goûter.

Puis il sortit au jardin. Les rayons de soleil tombaient sur l’herbe à travers les feuilles, éclairaient surtout d’une façon charmante une corbeille de roses. Le ciel se prêtait donc aussi à parer ce rendez-vous. Puis il s’embusqua contre la porte, qu’il entr’ouvrait par instants, par crainte qu’elle ne se trompât.

Trois heures sonnèrent, répétées aussitôt par dix horloges de couvents ou d’usines. Il attendait maintenant, sa montre à la main, et il tressaillit d’étonnement quand deux petits coups légers furent frappés contre le bois où il tenait collée son oreille, car il n’avait entendu aucun bruit de pas dans la ruelle.

Il ouvrit : c’était elle. Elle regardait, surprise. Elle inspecta d’abord, d’un coup d’œil inquiet, les maisons les plus voisines, et elle se rassura, car elle ne connaissait certainement personne parmi les bourgeois modestes qui devaient habiter là ; ensuite elle examina le jardin avec une curiosité satisfaite ; enfin elle posa le dos de ses deux mains, qu’elle venait de déganter, sur la bouche de son amant, puis elle prit son bras.