Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

puissance, à la fleur de l’âge. Lamarthe disait : « Aujourd’hui il n’y a plus en France que des grands hommes avortés. »

Massival à ce moment semblait fort épris de Mme de Burne, et le cercle en jasait un peu : aussi tous les yeux se tournèrent-ils vers lui quand il lui baisa la main avec un air d’adoration.

Il demanda :

— Sommes-nous en retard ?

Elle répondit :

— Non, j’attends encore le baron de Gravil et la marquise de Bratiane.

— Ah ! quelle chance, la marquise ! Alors nous allons faire de la musique ce soir.

— Je l’espère.

Les deux attardés entraient. La marquise, une femme un peu trop petite peut-être, parce qu’elle était assez dodue, d’origine italienne, vive, avec des yeux noirs, des cils noirs, des sourcils noirs et des cheveux noirs aussi, tellement drus et envahissants qu’ils mangeaient le front et menaçaient les yeux, passait pour avoir la plus remarquable voix connue parmi les femmes du monde.

Le baron, homme comme il faut, à poitrine creuse et à grosse tête, n’était vraiment complet qu’avec son violoncelle aux mains. Mélomane passionné, il n’allait que dans les maisons où la musique était en honneur.

Le dîner fut annoncé, et Mme de Burne, prenant le