Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/90

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Dès qu’il fut parti, M. et Mme Valsaci, qui avaient depuis longtemps des habitudes provinciales, proposèrent de se coucher.

— Allez, dit Mme de Burne : moi je fais un tour dans le jardin.

Son père ajouta :

— Et moi aussi.

Elle sortit, enveloppée d’un châle, et ils se mirent à marcher côte à côte sur le sable blanc des allées que la pleine lune éclairait, comme de petites rivières sinueuses à travers les gazons et les massifs.

Après un silence assez long, M. de Pradon dit presque à voix basse :

— Ma chère enfant, tu me rendras cette justice que je ne t’ai jamais donné de conseils ?

Elle le sentait venir, et, prête à cette attaque :

— Je vous demande pardon, papa, vous m’en avez donné au moins un.

— Moi ?

— Oui, oui.

— Un conseil relatif à… à ton existence ?

— Oui, et même un très mauvais. Aussi je suis bien décidée, si vous m’en donnez d’autres, à ne pas les suivre.

— Quel conseil t’ai-je donné ?

— Celui d’épouser M. de Burne. Ce qui prouve que vous manquez de jugement, de clairvoyance, de la connaissance des hommes en général et de la connaissance de votre fille en particulier.