Page:Guy de Maupassant - Une vie.djvu/242

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rielles, maniait tout l’arsenal antique et compliqué des controverses religieuses.

Ils se promenaient tous deux le long de la grande allée de la baronne en parlant du Christ et des Apôtres, et de la Vierge et des Pères de l’Église, comme s’ils les eussent connus. Ils s’arrêtaient parfois pour se poser des questions profondes qui les faisaient divaguer mystiquement, elle, se perdant en des raisonnements poétiques qui montaient au ciel comme des fusées, lui plus précis, arguant comme un avoué monomane qui démontrerait mathématiquement la quadrature du cercle.

Julien traitait le nouveau curé avec un grand respect, répétant sans cesse : « Il me va, ce prêtre-là, il ne pactise pas. » Et il se confessait et communiait à volonté, donnant l’exemple prodigalement.

Il allait maintenant presque chaque jour chez les Fourville, chassant avec le mari qui ne pouvait plus se passer de lui, et montant à cheval avec la comtesse, malgré les pluies et les gros temps. Le comte disait : « Ils sont enragés avec leur cheval, mais cela fait du bien à ma femme. »

Le baron revint vers la mi-novembre. Il était changé, vieilli, éteint, baigné dans une tristesse noire qui avait pénétré son esprit. Et tout de suite l’amour qui le liait à sa fille sembla accru comme si ces quelques mois de morne solitude eussent exaspéré son besoin d’affection, de confiance et de tendresse.

Jeanne ne lui confia point ses idées nouvelles, son intimité avec l’abbé Tolbiac, et son ardeur religieuse ; mais, la première fois qu’il vit le prêtre, il sentit s’éveiller contre lui une inimitié véhémente.