mêmes ressorts que le penchant immoral qui pousse un maniaque à tuer ; nous sommes mus tous deux de la même manière, mais d’après des motifs ou des mobiles contraires. Il faut donc toujours en venir à examiner si mon motif à moi possède plus de valeur rationnelle que celui de l’assassin. Tout est là. Si maintenant, pour apprécier la valeur rationnelle des motifs, on s’en rapporte à un critérium purement positif et scientifique, il se produira un certain nombre de conflits entre l’utilité publique et l’utilité personnelle, conflits qu’il est bon de prévoir. Quant à espérer que l’instinct pourra trancher ces conflits à lui seul, nous ne le croyons pas ; au contraire, l’instinct se trouvera de plus en plus altéré chez l’homme par les progrès de la réflexion.
Nous ne saurions donc nous accorder avec nos critiques d’Angleterre sur ce point essentiel : — L’éthique, qui est une systématisation de l’évolution morale dans l’humanité, est-elle sans influence sur cette évolution même et ne peut-elle en modifier le sens d’une façon importante ? En termes plus généraux, tout phénomène qui arrive à la conscience de soi ne se transforme-t-il pas sous l’influence même de cette conscience ? — Nous avons remarqué ailleurs que l’instinct de l’allaitement, si important chez les mammifères, tend de nos jours à disparaître chez beaucoup de femmes. Il y a un phénomène bien plus essentiel encore, — le plus essentiel de tous, — celui de la génération, qui tend à se modifier d’après la même loi. En France (ou la majorité du peuple n’est pas retenue par des considérations religieuses), la volonté personnelle se substitue partiellement, dans l’acte sexuel, à l’instinct de reproduction. De là, en notre pays, l’accroissement très lent de la population, qui produit à la fois notre