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DU MOBILE MORAL AU POINT DE VUE SCIENTIFIQUE.

universelle de nos actes, à un autre point de vue, en est l’effet constant et la fin.

L’analyse qui précède concorde par son résultat avec les analyses de l’école évolutionniste, que nous ne reproduirons pas ici[1]. Le motif sous-jacent de toutes nos actions, la vie, est admis même par les mystiques, car ceux-ci supposent généralement une prolongation de l’existence au delà de ce monde ; et l’existence intemporelle n’est elle-même que de la vie concentrée en un punctum stans. La tendance à persévérer dans la vie est la loi nécessaire de la vie non seulement chez l’homme, mais chez tous les êtres vivants, peut-être même dans le dernier atome de l’éther, car la force n’est probablement qu’un abstrait de la vie. Cette tendance est, sans doute, comme le résidu de la conscience universelle, d’autant plus qu’elle dépasse et enveloppe la conscience même. Elle est donc à la fois la plus radicale des réalités et l’inévitable idéal.

La partie de la morale fondée uniquement et systématiquement sur les faits positifs peut se définir : la science qui a pour objet tous les moyens de conserver et d’accroître la vie, matérielle et intellectuelle. Les lois suprêmes de cette morale seront identiques aux lois les plus profondes de la vie même et, dans quelques-uns de ses théorèmes les plus généraux, elle vaudra pour tous les êtres vivants.

Si on nous dit que les moyens de conserver la vie physique rentrent dans l’hygiène plutôt que dans la morale, nous répondrons que la tempérance, depuis longtemps placée parmi les vertus, est pratiquement une application de l’hygiène et que, d’ailleurs, une morale exclusivement posi-

  1. V. notre Morale anglaise contemporaine, 2e édition.