L’art est social à trois points de vue différents, par son origine, par son but, enfin par son essence même ou sa loi interne. Ces trois thèses sont développées dans l’Art au point de vue sociologique ; mais comme on l’a très justement remarqué, c’est surtout la dernière qui est essentiellement propre à Guyau. L’art est social non pas seulement parce qu’il a son origine et son but dans la société réelle dont il subit l’action et sur laquelle il réagit, mais parce qu’il « porte en lui-même », parce qu’il « crée une société idéale », où la vie atteint son maximum d’intensité et d’expansion. Il est ainsi une forme supérieure de la sociabilité même et de la sympathie universelle qu’elle développe. « L’art, dit Guyau, est une extension, par le sentiment, de la société à tous les êtres de la nature, et même aux êtres conçus comme dépassant la nature, ou enfin aux êtres fictifs créés par l’imagination humaine. L’émotion artistique est donc essentiellement sociale. Elle a pour résultat d’agrandir la vie individuelle en la faisant se confondre avec une vie plus large et universelle[1]. » La loi interne de l’art, c’est de « produire une émotion esthétique d’un caractère social[2]. »
Les sensations et les sentiments sont, au premier abord, ce qui divise le plus les hommes ;