de forme ou de couleur, dans la littérature ils valent surtout comme centre et noyau d’associations d’idées et de sentiments. Leur importance, leur grandeur pour la pensée, leur place dans la perspective générale dépend ainsi de la quantité et de la qualité des idées ou sentiments qu’ils éveillent. Même les écrivains qui se croient le plus coloristes et qui pensent faire de la peinture en écrivant, ne tirent en réalité la prétendue couleur de leurs descriptions que de l’art avec lequel ils savent éveiller par association des sensations fortes (le plus souvent très différentes des sensations visuelles). L’art de l’écrivain consiste à faire penser ou à faire sentir moralement pour faire voir. Aussi, quand il veut transcrire un tableau de la nature, il peut choisir à son gré son centre de perspective ; il n’a pas, comme le peintre, son point de vue déterminé par la nature même des lieux, mais bien plutôt par la nature et les tendances de son esprit personnel : c’est la disposition de son œil qui fournit le plan du paysage, et il ne s’agit pas seulement de l’œil physique, mais encore et surtout de l’œil intérieur. En un mot, le sentiment dominateur fait seul l’unité de la description et peut seul la rendre sympathique.
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l’art au point de vue sociologique.