famille entièrement détruite, toutes sortes de drames secondaires se produisant sous l’action du tempérament amoureux de Hulot[1].
Comme on voit, l’auteur de Nana est un excellent professeur de roman réaliste ; mais, en fait, dans ses propres romans il est fataliste et non déterministe. En effet, il a supprimé toute réaction de la volonté, tout déterminisme intellectuel et moral au profit exclusif du déterminisme physiologique ; il a éliminé systématiquement, tout « facteur personnel », comme dirait Wundt, dans les équations de la conduite. Ses personnages, comme ceux de Balzac, sont des « forces de la nature », non de véritables volontés. Certes, nous ne demandons pas au romancier de nous représenter le « libre arbitre » ; mais au moins devrait-il, outre la force des appétits, nous montrer aussi la force des sentiments et des idées, — même celle des beaux sentiments et des belles idées, qui ne laissent pas d’en avoir une ; il devrait, en un mot, mettre en jeu ce qu’on a appelé les « idées-forces », qui n’excluent pas le déterminisme, mais qui le complètent, le rendent flexible et, en le rapprochant de la liberté, permettent la réalisation progressive de l’idéal moral et social.
Nous craignons fort que les effets sociaux du réalisme, dont nos romanciers font étalage, n’aillent contre leurs belles intentions de moralistes et de sociologistes. S’il est bon de montrer le chemin qu’il ne faut pas suivre, meilleur est-il encore, peut-être, d’indiquer celui qu’il faut prendre. Qui sait, si l’on avait moins parlé au petit Chaperon rouge du chemin des épinglettes, — et des noisettes qu’il n’y fallait pas cueillir, — qui sait s’il n’eût pas pris tout uniment le droit chemin, celui des aiguillettes ? Supposer la désobéissance, c’était la suggérer, c’était la réaliser. Malgré cela, hâtons-nous d’ajouter qu’une tendance naturelle était nécessaire et que le Chaperon rouge avait apporté en naissant une prédisposition à la désobéissance. On connaît le précepte antique : « hors du temple et des sacrifices, ne montrez pas les intestins. » Le roman naturaliste est une protestation outrée contre ce précepte : on a brisé les voûtes
- ↑ Le Roman expérimental. (Ibid.)