Et moins qu’un vestige lui suffit, et il prie :
Console-moi ce soir, je me meurs d’espérance ;
J’ai besoin de prier pour vivre jusqu’au jour.
fait-il dire à sa muse dans la Nuit de mai.
À ceux qui depuis cinq mille ans ont douté toujours, il crie :
Pour aller jusqu’aux cieux il vous fallait des ailes.
Vous aviez le désir, la foi vous a manqué.
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Eh bien, prions ensemble…
Maintenant que vos corps sont réduits en poussière
J’irai m’ageuouiller pour vous, sur vos tombeaux.
Et toujours la prière haute, entraînante, jaillit par grands élans du cœur même du poète. Malgré tout il lui faut croire, il a besoin de s’appuyer quand même. Sa philosophie est celle d’un souffrant, toute d’élans, de cris et de sanglots ; et après tout, c’est peut-être réternelle philosophie, celle qui est assurée de ne point passer comme tel ou tel système. Mais, si vous cherchez une pensée vigoureuse et soutenue, ce n’est pas à Musset qu’il faut la demander. On pourra objecter que nul ne se soucie d’une suite de raisonnements mis en vers ; sans doute ; n’oublions pas pourtant que les grandes idées font la grande poésie, et que, pour Musset même, sa réelle valeur n’est pas dans le badinage, si élégant et charmant qu’il soit, mais dans l’expression sincère, poignante parfois, de la souffrance morale et de l’angoisse du doute.
Alfred de Musset mêle à tous ses amours cette soif d’idéal que ne peuvent éteindre les « mamelles d’airain de la réalité » ; il va jusqu’à la prêter à son don Juan idéalisé, et il nous peint le désir cloué sur terre,
Comme un aigle blessé qui meurt dans la poussière,
L’aile ouverte et les yeux fixés sur le soleil.
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Vous souvient-il, lecteur, de cette sérénade
Que don Juan déguisé chante sous un balcon ?
— Une mélancolique et piteuse chanson.
Respirant la douleur, l’amour et la tristesse.
Mais l’accompagnement parle d’un autre ton.
Comme il est vif, joyeux ! avec quelle prestesse
Il sautille ! — On dirait que la chanson caresse