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Page:Guyau - L’Art au point de vue sociologique.djvu/265

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les idées philosophiques et sociales dans la poésie.

vons nous attribuer à nous-mêmes que l’existence brute. Le fait d’exister est moins important que la manière d’être. L’absolu véritable est donc dans l’ordre de la qualité, non dans celui de l’existence. Toutes ces idées confuses hantent l’esprit de Victor Hugo. Et il ajoute : — « En même temps qu’il y a un infini hors de nous, n’y a-t-il pas un infini en nous ? Ces deux infinis (quel pluriel effrayant !) ne se superposent-ils pas l’un à l’autre ? Le second infini n’est-il pas pour ainsi dire sous-jacent au premier ? n’en est-il pas le miroir, le reflet, l’écho, abîme concentrique à un autre abîme ? » Le grand infini est-il « intelligent, lui aussi ? Pense-t-il ? aime-t-il ? sent-il ? Si les deux infinis sont intelligents, chacun d’eux a un principe voulant, et il y a un moi dans l’infini d’en haut comme il y a un moi dans l’infini d’en bas. Le moi d’en bas, c’est l’àme ; le moi d’en haut, c’est Dieu [1]. »

Hugo arrive à la même conclusion quand il critique la philosophie de la volonté : — « Une école métaphysique du Nord a cru, dit-il, faire une révolution dans l’entendement humain en remplaçant le mot Force par le mot Volonté. Dire : la plante veut ; au lieu de : la plante croît ; cela serait fécond en effet, si l’on ajoutait : l’univers veut. Pourquoi ? C’est qu’il en sortirait ceci : la plante veut, donc elle a un moi ; l’univers veut, donc il a un Dieu. » Quant à Hugo, au rebours de cette nouvelle école allemande, il ne rejette rien a priori, mais il lui semble qu’« une volonté dans la plante » doit faire « admettre une volonté dans l’univers » [2]. Il y a certainement dans toutes ces intuitions et rêveries de poète de quoi faire penser. Hugo n’en est plus, comme Lamartine, à répéter purement et simplement le Vicaire Savoyard ou le catéchisme.

Outre l’existence du moi conscient, volontaire, qui lui paraît impliquer un grand moi, une grande conscience, une volonté universelle, Hugo trouve encore dans le monde la beauté, qui lui paraît la forme visible et la révélation du divin.


                       J’affirme celui
Qui donne la beauté pour forme à l’absolu [3].

  1. Les Misérables.
  2. Ibid.
  3. Schiller se plaint à Gœthe que Mme de Staël, avec son esprit français,
    « éloigne de lui toute poésie », parce que « voulant tout expliquer, tout com-