Tu dis : — Je vois le mal et je veux le remède.
Je cherche le levier et je suis Archimède. —
Le remède est ceci : Fais le bien. Le levier,
Le voici : Tout aimer et ne rien envier.
Homme, veux-tu trouver le vrai ? Cherche le juste[1].
Notre incertitude spéculative, pour Hugo comme pour Kant, est la condition même de notre liberté morale :
Où serait le mérite à retrouver sa route,
Si l’homme, voyant clair, roi de sa volonté,
Avait la certitude, ayant la liberté ?…
Le doute le fait libre, et la liberté grand[2].
Les disciples de Kant n’ont pas manqué de faire observer que Victor Hugo pose le problème exactement à leur manière. La science ne peut nous apprendre d’une façon certaine si le fond des choses est le bien, si l’espérance a raison ou tort ; d’autre part, notre conscience nous commande de tendre au bien et d’espérer : de là la nécessité d’un libre « choix » entre deux thèses spéculativement incertaines. Hugo, dans l’obscurité de la nature, prend parti pour la clarté de la conscience et pour la chaleur de l’amour :
Je suis celui que toute l’ombre
Couvre sans éteindre son cœur[3].
L’immensité, c’est là le seul asile sûr.
Je crois être banni si je n’ai tout l’azur[4].
Erreur peut-être ! — Soit, répond Hugo : — « Prendre pour devoir une erreur sévère, cela a sa grandeur[5]. » Mais, selon lui, c’est le devoir qui, loin d’être l’erreur, est la révélation même du vrai :
Regarde en toi ce ciel profond qu’on nomme l’âme :
Dans ce gouffre, au zénith, resplendit une flamme ;
Un centre de lumière inaccessible est là.
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Cette clarté toujours jeune, toujours propice.