Et pourtant il faut une croyance à l’humanité,
Il faut à l’homme, en sa chaumière
Des vents battu,
Une loi qui soit sa lumière
Et sa vertu ;
Mais une croyance n’est pas un dogme :
Un dogme est l’oiseleur, guettant dans la forêt.
Qui, parce qu’il a pris un passereau, croirait
Avoir tous les oiseaux du ciel bleu dans sa cage[1].
Par cela même que le dogme est arrêté, immuable, mort, il est une injure à Dieu et un réel blasphème :
Pas de religion qui ne blasphème un peu[2].
Au-dessus des prêtres et des mythologues, Hugo place les ascètes, qui, perdus dans la contemplation de l’invisible, se sont mis directement en face de l’énigme sacrée du monde. Ce sont les vrais prédécesseurs des philosophes :
As-tu vu méditer les ascètes terribles ?
Ils ont tout rejeté, talmuds, korans et bibles.
Ils n’acceptent aucun des védas, comprenant
Que le vrai livre s’ouvre au fond du ciel tonnant,
Et que c’est dans l’azur plein d’astres que flamboie
Le texte éblouissant d’épouvante ou de joie.
L’aigle leur dit un mot à l’oreille en passant :
Ils font signe parfois à l’éclair qui descend ;
Ils rêvent, fixes, uoirs, guettant l’inaccessible,
L’œil plein de la lueur de l’étoile invisible[3].
Enfin, au-dessus des prêtres et des ascètes est le philosophe, qui trouve dans sa conscience même et l’idée de Dieu et la loi divine.
Il est ! Mais nul cri d’homme ou d’ange, nul effroi,
Nul amour, nulle bouche, humble, tendre ou superbe.
Ne peut balbutier distinctement ce verbe !
Il est ! il est ! il est ! il est éperdument…
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Tout est le chiffre, il est la somme,
Plénitude pour lui, c’est l’infini pour l’homme.
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