n’en ferait que l’anneau d’une chaîne. Mais la haine, à son tour, se résout en souffrance : « Je souffre, je juge. » « Le grand sanglot tragique de l’histoire », qui aboutit à l’indignation, devrait plus logiquement aboutir à la pitié, à la pitié non seulement pour le mal, mais pour le méchant, à la « pitié suprême. »
Hugo dit quelque part :
Je sauverais Judas si j’étais Jésus-Christ ;
et ce sera en effet le dernier résultat de la bonté triomphante
dans l’univers, de la bonté embrassant à la fin les méchants
eux-mêmes :
Ou leur tendra les bras de la haute demeure,
Et Jésus, se penchant sur Bélial qui pleure.
Lui dira : « C’est donc loi ! »
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Les douleurs finiront dans toute l’ombre : un ange
Criera : « Commencement [1] ! »
Les Contemplations se terminent dans l’hymne de pardon et d’apaisement le plus sublime que notre poésie ait jamais chanté :
Paix à l’ombre ! dormez ! dormez ! dormez ! dormez !
Etres, groupes confus lentement transformés !
Dormez, les champs ! dormez, les fleurs ! dormez, les tombes !
Toits, murs, seuils des maisons, pierres des catacombes.
Feuilles au fond des bois, plumes au fond des nids,
Dormez ! dormez, brins d’herbe, et dormez, iniinis !
Calmez-vous, forêt, chêne, érable, frône, yeuse !
Silence sur la grande horreur religieuse,
Sur l’Océan qui lutte et qui ronge son mors,
Et sur l’apaisement insondable des morts !
Paix à l’oijscurité muette et redoutée !
Paix au doute effrayant, à l’immense ombre athée,
À toi, nature, cercle et centre, âme et milieu.
Fourmillement de tout, solitude de Dieu !
Ô générations aux brumeuses haleines.
Reposez-vous ! pas noirs qui marchez dans les plaines !
Dormez, vous qui saignez : dormez, vous qui pleurez !
Douleurs, douleurs, douleurs, fermez vos yeux sacrés !
Tout est religion et rien n’est imposture.
Que sur toute existence et toute créature,
Vivant du souflle humain ou du souffle animal,
Debout au seuil du bien, croulante au bord du mal.
Tendre ou farouche, immonde ou splendide, humble ou grande.
La vaste paix des cieux de toutes parts descende !
Que les enfers dormants rêvent des paradis [2].