choses, non avec sa pauvreté qui a besoin de travail et par conséquent besoin des riches, mais avec son envie. Ne croyez pas qu’il conclura de là : — Eh bien ! cela va me donner des semaines de salaires et de bonnes journées. — Non, il veut, lui aussi, non le travail, non le salaire, mais du loisir, du plaisir, des voitures, des chevaux, des laquais, des duchesses. Ce n est pas du pain qu’il veut, c’est du luxe. Il étend la main en frémissant vers toutes ces réalités resplendissantes qui ne seraient plus que des ombres s’il y touchait. Le jour où la misère de tous saisit la richesse de quelques-uns, la nuit se fait, il n’y a plus rien, rien pour personne. Ceci est plein de péril. Quand la foule regarde les riches avec ces yeux-là, ce ne sont pas des pensées qu’il y a dans tous les cerveaux, ce sont des événements. » Victor Hugo, ici, a le courage de regarder le péril en face : « Les riches, écrit-il, sont en question dans ce siècle comme les nobles au siècle dernier. » Et il a aussi le courage de montrer la vanité des revendications dont il parle : ce n’est pas la pauvreté, c’est « l’envie » qui les dicte, et c’est à la richesse que la pauvreté s’en prend, sans se douter que, la richesse supprimée, « il n’y a plus rien pour personne [1]. »
En 1830, il avait eu une idée fort juste sur la nécessité d’instruire le peuple avant de lui donner le droit de suffrage. «Les droits politiques doivent, évidemment aussi, sommeiller dans l’individu, jusqu’à ce que l’individu sache clairement ce que c’est que des droits politiques, ce que cela signifie, et ce que l’on en fait. Pour exercer, il faut comprendre. En bonne logique, l’intelligence de la chose doit toujours précéder l’action sur la chose. » Et il ajoutait : — « Il faut donc, on ne saurait trop insister sur ce point (en 1830), éclairer le peuple pour pouvoir le constituer un jour. Et c’est un devoir sacré pour les gouvernements de se hâter de répandre la lumière dans ces masses obscures où le droit définitif repose. Tout tuteur honnête presse l’émancipation de son pupille… La Chambre... doit être le dernier échelon d’une échelle dont le premier échelon est une école. » Il s’imagine que toute brutalité « se fond au feu doux des bonnes lectures quotidiennes. « Humaniores litteræ. « Il faut faire faire au peuple ses hu-
- ↑ Œuvres inédites de Victor Hugo : Choses vues.