Ainsi, malgré Bouddha, le « vol des paille-en-queue » dans la lumière lointaine est devenu l’espérance.
La tension continue du style, la versification savante, variée, et cependant monotone par la recherche constante de l’effet, le ton souvent oratoire et souvent déclamatoire, font de la lecture de ces beaux vers une fatigue ; mais il faut savoir gré à l’auteur d’avoir eu des aspirations à un symbolisme grandiose. Son tort est d’avoir cru qu’il serait plus près de la vérité et de l’objectivité s’il s’efforçait d’être impassible comme le grand tout et s’il contenait les battements de son cœur d’homme ; mais ces battements ne font-ils pas, eux aussi, partie du tout ? Les émotions humaines ne sont-elles pas un des mouvements de la Nature ? Est-ce vraiment pénétrer dans la réalité que de s’arracher à soi-même, comme si la réalité n’était pas en nous, et nous en elle, comme si elle ne prenait pas en nous conscience de soi, jouissant et souffrant, désirant et aimant ? Tandis que le jaguar rêve de sang, l’homme, parfois, rêve d’idéal ; tous les deux sont les enfants de la même Nature. Des deux songes, lequel s’éloigne le moins de la vérité ? Nous ne savons ; mais l’homme, dans sa nuit, à travers ses rêves, a cru saisir une lueur. Elle est bien vague et vacillante ; souvent il a douté d’elle, et toujours il se tourne vers elle ; est-il certain que la lueur rêvée ne deviendra jamais une visible lumière ? Il fut un temps, avant que les êtres animés eussent des yeux, où pesait sur le monde physique une nuit aussi sombre et aussi lourde que celle qui pèse aujourd’hui sur le monde moral. Au-dessus de cette nuit pourtant, la lumière planait, mais il n’y avait point d’œil pour la voir. De siècle en siècle, elle échauffa, elle fit vibrer l’être encore aveugle. D’abord opaque, inerte, presque insensible, ce n’est que sous l’éblouissement et la chaleur continue des rayons que l’œil de l’être primitif, par degrés s’éclaircissant, s’est senti devenir cristal, et, vivant miroir, a reflété. La lumière a fait les yeux en les pénétrant : leur transparence n’est qu’un peu de sa clarté restée en eux. — Cet idéal tremblant au fond des cœurs, est-ce aussi une aube près de poindre ? L’être lui-même n’est-il, tout entier, qu’un regard lent à s’ébaucher, lent cà s’ouvrir à la lumière, à la vraie lumière, celle qui, gagnant de proche en proche, imprégnerait de sa clarté tout ce qu’il y a d’aveugle, et péné-