images perpétuellement éclatantes et même violentes. Résultat : on est blasé au bout de deux pages. C’est l’effet de la musique continuellement bruyante :- quand le maximum du forte a été atteint du premier coup, tout le reste a beau faire tapage, le seul moyen de frapper l’attention serait de faire un pianissimo.
En somme, le point de vue mécanique et le principe de « l’économie de la force » ont assurément leur importance en littérature. Le beau a ses conditions mathématiques et dynamiques, et la principale de ces conditions est la parfaite adaptation de la force dépensée par l’auteur au résultat obtenu : une bonne machine est celle qui a le moins de heurts ou de frottements ; il y a longtemps qu’on a dit que la nature agit par les voies les plus simples, selon la loi de « la moindre action », qui devient, chez les êtres vivants et sentants, la loi de la moindre peine. Mais, si la fonction du langage est primitivement la simple communication intellectuelle entre les hommes, le langage des arts, de la littérature, de la poésie, est autre chose qu’une machine à transmission d’idées, qu’une sorte de télégraphe à signaux rapides et clairs. Le caractère vraiment social du style littéraire et poétique consiste, selon nous, à stimuler les émotions selon les lois de l’induction sympathique, et à établir ainsi une communion sociale ayant pour but le sentiment commun du beau. Nous avons donc ici au moins trois termes en présence : l’idéal conçu et aimé par l’artiste, la langue dont l’artiste dispose, et enfin toute la société d’hommes à laquelle l’artiste veut faire partager son amour du beau. Le style, c’est la parole, organe de la sociabilité, devenue de plus en plus expressive, acquérant un pouvoir à la fois significatif et suggestif qui en fait l’instrument d’une sympathie universelle. Le style est significatif par ce qu’il fait voir immédiatement ; suggestif par ce qu’il fait penser et sentir en vertu de l’association des idées. Tout sentiment se traduit par des accents et des gestes appropriés. L’accent est presque identique chez toutes les espèces : accent de la surprise, de la terreur, de la joie, etc. ; il en est de même du geste, et c’est ce qui rend immédiate l’interprétation