Voici de remarquables vers d’amour du Peverone, ce brigand italien qui poivrait ses victimes pour les marquer de son sceau :
Quand je te vois, quand je t’entends parler,
Mon sang se glace dans mes veines.
Mon cœur veut bondir hors de ma poitrine…
Toute parole d’elle, quand elle ouvre la bouche,
Attire, lie, frappe, transperce[1]).
Quatrième point. Les détraqués se complaisent dans les images sombres et horribles. Pour bien comprendre cette tendance, il faut songer que dans ces cerveaux affaiblis, où les réactions sont lentes à se produire, une image forte se fixe aisément et devient facilement obsédante. Les criminels sont hantés longtemps avant et longtemps après par l’idée de leur crime : ils le racontent à tous avec les détails les plus horribles ; ils en rêvent, nous dit Dostoïevsky. Les écrivains détraqués se plaisent aussi à décrire des scènes de crime et de sang, tout comme Ribeira, le Caravage et les autres peintres homicides se plaisent dans les représentations horribles.
Cinquième point : l’obsession du mot. Dans l’irrégularité du cours des idées un mot se dresse isolé, attirant toute l’attention des détraqués indépendamment de son sens. La preuve de l’impuissance d’esprit, c’est justement cette puissance du mot qui frappe par sa sonorité, non par l’enchaînement et la coordination avec les idées[2]. Les productions des fous et des criminels se perdent le plus souvent, dit Lombroso, dans les jeux de mots, les rimes, les homophonies, de même que dans les petits détails autobiographiques ; ce qui n’empêche pas par moments de rencontrer, surtout chez les fous, « une éloquence brûlante et passionnée qui ne se voit que dans les œuvres des hommes de génie ».
En somme, le trait caractéristique de la littérature des détraqués, c’est qu’elle exprime des êtres qui ne sont sociables que