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Page:Guyau - L’Art au point de vue sociologique.djvu/414

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l’art au point de vue sociologique.

crités littéraires, nous en oublions presque les quelques noms qui les effaceront un jour, et nous nous écrions : — Le vers pour le vers et la phrase pour ses bizarreries, signe des temps, signe de décadence !

On ne peut nier pourtant qu’il n’y ait dans la vie des peuples, comme dans celle des individus, des périodes de trouble et de malaise. Les causes perturbatrices peuvent être de bien des sortes, mais le résultat est le même : ralentissement ou abaissement de la production littéraire. Cet état dure jusqu’à ce que la bonne et saine vie, prenant le dessus, réagisse contre les influences stérilisantes ; de vrais poètes se produisent, entraînant avec eux toute leur génération. Ainsi en a-t-il été pour les romantiques. Les classiques ont produit des chefsd’œuvre que nous avons tous encore dans la mémoire, mais le temps des tragédies était passé lorsque Chateaubriand et tous ceux qui l’ont suivi sont venus apporter au siècle nouveau une poésie nouvelle, — la vraie poésie de notre siècle. Répétons, d’ailleurs, qu’à notre époque les idées marchent vite, la science se transforme sans cesse ; comment les écoles littéraires pourraient-elles échapper à ce mouvement continu ? Il faut changer et se renouveler ; or, les génies sont rares, et l’on doit savoir attendre avant de déclarer l’heure de la décadence irrémédiablement venue.

On a fait encore consister la décadence littéraire dans le mauvais goût et l’incohérence des idées et des images ; mais on retrouve aussi cette incohérence et ce mauvais goût chez les génies créateurs, comme Dante, Shakespeare, Goethe. Le mauvais goût est un manque de mesure et de critique exercée sur soi, plutôt qu’un manque de puissance dans la production des idées et des images. D’autres, enfin, ont fait consister la décadence dans le triomphe de l’esprit critique et analyste venant paralyser l’élan du génie créateur. Il est certain que la décadence coïncide avec l’empiétement du procédé et du talent sur la fécondité inconsciente du génie. Les époques de décadence savent plus et peuvent moins. Mais peuvent-elles moins parce qu’elles savent plus ? — Nous ne le croyons pas. On a ainsi beaucoup discuté sur la distinction des époques classiques et des époques de décadence. En réalité, on