c’est, dit Balzac, un des plus grands de l’homme, Aussi, « ce qui doit mériter la gloire dans l’art, et il faut comprendre sous ce mot toutes les créations de la pensée, c’est surtout le courage, — un courage dont le vulgaire ne se doute pas ; penser, rêver, concevoir de belles œuvres, est une occupation délicieuse, c’est mener la vie de courtisane occupée à sa fantaisie ; mais produire ! mais accoucher ! mais élever laborieusement l’enfant ! Cette habitude de la création, cet amour infatigable de la maternité qui fait la mère, enfin cette maternité cérébrale, si difficile à conquérir, se perd avec une facilité étonnante[1]). »
Quel est donc le sentiment dominateur et animateur du génie ? Selon nous, le génie artistique et poétique est une forme extraordinairement intense de la sympathie et de la sociabilité, qui ne peut se satisfaire qu’en créant un monde nouveau, et un monde d’êtres vivants. Le génie est une puissance d’aimer qui, comme tout amour véritable, tend énergiquement à la fécondité et à la création de la vie. Le génie doit s’éprendre de tout et de tous pour tout comprendre[2]. Même dans la science, si on trouve la vérité « en y pensant toujours », on n’y pense toujours que parce qu’on l’aime. « Mon succès comme homme de science, dit Darwin, à quelque degré qu’il se soit élevé, a été déterminé, autant que je puis en juger, par des qualités et conditions mentales complexes et diverses. Parmi celles-ci, les plus importantes ont été : l’amour de la science, une patience sans limites pour réfléchir sur un sujet quelconque, l’ingéniosité à réunir les faits et à les observer, une moyenne d’invention aussi bien que de sens commun. Avec les capacités modérées que je possède, il est vraiment surprenant que j’aie pu influencer à un degré considérable l’opinion des savants sur quelques points importants. » À ces diverses qualités, il faut en ajouter une dont Darwin ne parle pas et dont ses biographes font mention : la faculté de l’enthousiasme, qui lui faisait aimer tout