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Page:Guyau - L’Art au point de vue sociologique.djvu/96

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l’art au point de vue sociologique.

les antécédents du système des tourbillons ou de la théorie de l’attraction et ces théories elles-mêmes.

L’influence des circonstances et du milieu, qui est si notable, quoique non universelle, au début des littératures et des sociétés, va décroissant à mesure que celles-ci se développent, et elle devient presque nulle à leur épanouissement. M. Spencer montre en effet qu’il y a tendance croissante à l’indépendance individuelle au sein des sociétés de plus en plus civilisées. La raison de ce fait est facile à indiquer dans la doctrine même de M. Spencer et de Darwin. Comme toute créature, l’homme tend^ par économie de forces, à persister dans son être, à le modifier le moins possible pour s’adapter aux circonstances physiques ou sociales qui varient autour de lui. Il emploie à changer le moins possible toutes les ressources de son intelligence. « C’est ainsi que la plupart des inventions primitives, celles de l’habillement, celles qui touchent à l’alimentation, ont eu pour but, par des modifications artificielles des circonstances ambiantes, de permettre à l’homme de conserver ses dispositions organiques, son aspect, ses habitudes, en dépit de certaines variations contraires naturelles des mêmes circonstances[1]. » Les hommes, en passant d’un climat chaud dans un climat froid, se sont couverts de fourrures, et non d’une toison comme certains animaux ; les tribus frugivores ont transporté avec elles le blé dans toute la zone de cette céréale ; l’homme primitif, en fuyant devant les gros carnivores, au lieu de développer des qualités extrêmes d’agilité et de ruse, comme tous les animaux désarmés, a inventé les armes. L’homme ne tend pas moins, et tout naturellement, à persister dans son état moral. Que l’on admette un milieu social guerrier, Sparte par exemple, et qu’il vienne à y naître, par une de ces variations fortuites que la théorie de la sélection est forcée d’admettre, un homme doué de sentiments délicats et pacifiques ; évidemment cet homme essaiera de ne point modifier son âme, de ne pas accomplir des actes qui lui répugnent. S’il le peut, il s’efforcera de se consacrer à des fonctions autres que celles de guerrier, il voudra devenir prêtre, poète national. S’il n’y parvient pas, si le milieu social est à la fois extrêmement homogène et hostile, c’est-à-dire si presque

  1. M. Hennequin, ibid. M. de Quatrefages reconnaît explicitement cette tendance (Unité de l’espèce humaine, p. 214).