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dissolution des religions.

quer aussi que le Vincent de Paul moderne a été un instituteur, Pestalozzi.

L’enseignement qui, dans les sociétés actuelles, se substitue par degrés à l’enseignement de toute religion déterminée, c’est celui de la morale. Le sentiment moral, nous le savons, est encore le plus pur du sentiment religieux moderne, et d’autre part les hypothèses métaphysiques sur le fondement ultime de la morale sont les dernières et les plus hautes hypothèses religieuses. Aux éléments de morale philosophique on a proposé de joindre, dans l’enseignement secondaire et même primaire, des notions sur l’histoire des religions[1]. Cette proposition, four être acceptable, doit être réduite à de justes limites. Il ne faut pas se faire d’illusions : M. Vernes aurait tort de croire que le professeur et surtout l’instituteur pourront jamais, sans entrer en conflit avec le clergé, insister particulièrement sur l’histoire des Juifs, reprendre d’un point de vue vraiment scientifique les légendes qu’on a l’habitude de servir aux enfants sous le nom d’« Histoire sainte. » battre ainsi directement en brèche les fondements du christianisme. Pasteurs et curés ne le souffriraient pas et ils protesteraient, avec quelque raison d’ailleurs, au nom de la neutralité religieuse : la foi n’est pas pour eux moins certaine que la science et la foi ignorante de la plupart d’entre eux n’a encore été tempérée par aucune habitude de libre critique. Il faut donc considérer d’avance comme impossible tout enseignement vraiment historique qui contredirait ouvertement l’enseignement théologique. On ne peut et on ne doit ici donner de démenti à personne ; seulement l’instruction peut fournir aux esprits un critérium de vérité et leur apprendre à s’en servir. Nous croyons donc que l’histoire des religions, si elle est jamais introduite dans l’enseignement, devra principalement porter sur ce qui n’est pas l’histoire des Juifs ; elle devra fournir des renseignements très élémentaires sur la morale de Confucius, sur les idées morales et métaphysiques des religions indo-européennes, sur l’antique religion égyptienne, sur les mythes grecs, enfin sur toute cette atmosphère morale et religieuse qui baigne le christianisme et dont il s’est en quelque sorte nourri. Même aux élèves des écoles primaires il serait utile de faire connaître les noms de quelques grands sages de l’humanité,

  1. M. Maurice Vernes (approuvé par Littré), et plus tard M. Paul Bert.