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la religion et la fécondité des races.

Outre l’impôt particulier sur les célibataires, une plus équitable répartition de l’impôt dans les familles est réalisable. Comme le remarque avec raison M. Richet, si l’on ne peut soulager le père de famille des impôts indirects, il faudrait du moins que l’impôt direct payé par lui fût inversement proportionnel au nombre de ses enfants[1]. En outre la prestation, cet impôt si impopulaire qui est un dernier vestige de la corvée, pourrait sans doute être supprimée entièrement pour ceux qui sont pères de plus de quatre ou même de trois enfants[2].

Tout le monde est d’accord aujourd’hui pour reconnaître la mauvaise organisation d’un autre impôt, celui des héritages. Nous croyons que c’est surtout en modifiant l’assiette de cet impôt qu’on pourrait atteindre le malthusianisme. Il faudrait dégrever autant que possible toute succession qui est à partager entre un grand nombre d’enfants, et au contraire faire porter le poids des impôts sur les successions tombant dans une seule main. Le polit propriétaire qui n’avait qu’un enfant pour ne pas diviser son

  1. « Les contributions directes elles-mêmes, dit M. Javal, sont, pour une forte part, une taxe sur les enfants : les prestations frappent les fils avant l’âge adulte ; les portes et fenêtres sont un impôt sur l’air et la lumière, dont le poids s’aggrave à mesure que l’accroissement de la famille oblige le père à occuper un plus vaste appartement ; la patente elle-même, s’appliquant au loyer de l’habitation personnelle, est, pour une bonne part, proportionnelle aux charges et non pas aux ressources du contribuable. » (Revue scientifique, no 18, 1er novembre 1884, p. 567). « On sait, dit M. Bertillon, que la ville de Paris paye à l’État l’impôt des locations inférieures à 400 francs. En principe, quoi de mieux ? Mais voyons-en l’application : voici deux voisins ; l’un, garçon, a un logement confortable de deux pièces et leurs accessoires ; l’une de ces chambres ne lui sert à peu près à rien et n’est que pour sa commodité. Celui-là, la ville paye l’impôt à sa place. — À côté loge une famille de quatre enfants, dans trois pièces où ils sont fort à l’étroit et à peine proprement, mais le loyer en est de 500 francs, et il faut que ces malheureux payent : 1o six fois plus d’impôts de consommation que leur voisin ; 2o leur impôt mobilier ; 3o enfin, qu’ils contribuent à la générosité faite à leur voisin, l’heureux célibataire. Évidemment c’est le contraire qui devrait arriver. » (Bertillon, La statistique humaine de la France).
  2. En accordant au concours une bourse à l’un des sept enfants d’un père de famille (suivant une loi de la Révolution récemment reprise et corrigée), on ne fera sans doute qu’un acte de justice, presque de réparation ; mais il ne faut pas croire qu’on obtiendra par là un bien grand résultat pratique. D’une part, le profit qu’on propose au père de famille est trop aléatoire ; d’autre part, la perspective de cet avantage ne pourra toucher que celui qui a déjà six enfants et qui hésite à en avoir un septième ; mais celui qui a six enfants ne pratique pas la loi de Malthus et n’est pas porté à la pratiquer.