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introduction.

est le foyer le plus ardent de la libre-pensée dans le monde. Nous répondrons que, si l’esprit français a un défaut, ce défaut n’est pas la logique, mais plutôt une certaine légèreté tranchante, une certaine étroitesse de point de vue qui est le contraire de l’esprit de conséquence et d’analyse : la logique, après tout, a toujours eu le dernier mot ici-bas. Les concessions à l’absurde, ou tout au moins au relatif, peuvent être parfois nécessaires dans les choses humaines, — c’est ce que les révolutionnaires français ont eu le tort de ne pas comprendre, — mais elles sont toujours transitoires. L’erreur n’est pas le but de l’esprit humain : s’il faut compter avec elle, s’il est inutile de la dénigrer d’un ton amer, il ne faut pas non plus la vénérer. Les esprits logiques et larges tout ensemble sont toujours sûrs d’être suivis, pourvu qu’on leur donne les siècles pour entraîner l’humanité ; la vérité peut attendre : elle restera toujours aussi jeune et elle est toujours sûre d’être un jour reconnue. Parfois, dans les longs trajets de nuit, les soldats en marche s’endorment, sans pourtant s’arrêter ; ils continuent d’aller dans leur rêve et ne se réveillent qu’au lieu d’arrivée, pour livrer bataille. Ainsi s’avancent en dormant les idées de l’esprit humain ; elles sont parfois si engourdies qu’elles semblent immobiles, on ne sent leur force et leur vie qu’au chemin qu’elles ont fait ; enfin le jour se lève et elles apparaissent : on les reconnaît, elles sont victorieuses.