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l’irréligion de l’avenir.

ensemble. La mer dit : « Depuis un million d’années que je le reflète en vain dans mes vagues mouvantes, le ciel est toujours aussi loin de moi, aussi immobile. » Et la montagne dit : — « Depuis un million d’années que je suis montée vers lui, il est toujours aussi haut. » Un jour, un rayon de soleil tomba si souriant sur le front de la montagne, que celle-ci voulut l’interroger sur ce ciel lointain d’où il venait. Le rayon allait répondre ; mais le front de la montagne le réfléchit brusquement vers la mer, et un flot qui scintillait le renvoya vers le ciel, d’où il venait. Le rayon est encore en route à travers l’infini, vers cette nébuleuse de Maïa, dans les Pléiades, qui est restée si longtemps invisible, — ou plus loin encore ; — et il n’a pas répondu.


III. — LE NATURALISME MONISTE — LA DESTINÉE DES MONDES


Ce nom d’infini, ἄπειϱον, donné par les anciens à la matière, les modernes l’ont donné à l’esprit. C’est que les deux aspects, matériel et spirituel, recouvrent sans doute la même unité. La synthèse des deux aspects est le naturalisme moniste.

I. — Nous n’avons pas à faire ici l’appréciation théorique du monisme comme système métaphysique. Constatons seulement que toutes les doctrines tendent aujourd’hui vers ce système. Le matérialisme n’est plus autre chose qu’un monisme mécaniste, où la loi fondamentale est conçue comme épuisée et traduite tout entière par les termes mathématiques. L’idéalisme est également un monisme où la loi essentielle est conçue comme mentale, soit qu’on la cherche plutôt dans le domaine de l’intelligence, soit qu’on la cherche dans celui de la volonté. Sous cette dernière forme, le monisme a de nombreux représentants en Allemagne et en Angleterre. En France, il a été soutenu par M. Taine. Nous venons de voir qu’il est aussi soutenu actuellement, sous une autre forme, par M. Fouillée, qui y voit la conciliation du naturalisme et de l’idéalisme, et qui y verrait aussi, sans doute, une conciliation possible