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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

étudiant qui, s’affaissant tout à coup en proie à une sorte de sommeil léthargique et relevé aussitôt par ses camarades, entrevit avec netteté, dans ce court instant, les péripéties innombrables d’un long voyage en Italie. Si on eût dit à cet homme d’évaluer lui-même le temps de son sommeil, il l’eût sans aucun doute évalué à plusieurs heures ; il ne pouvait pas se figurer que cette foule de villes, de monuments, de gens, d’événements de toute sorte, avait en deux ou trois secondes passé devant ses yeux. La chose, en effet, était extraordinaire et ne pouvait se produire que dans un rêve, où les images, n’étant attachées à aucun lien fixe de l’espace, peuvent se succéder avec une rapidité sans pareille. Il n’en saurait être ainsi pendant la veille, car l’homme se meut relativement dans l’espace avec une lenteur assez grande. Quoi qu’il en soit, ce qui ressort de ces exemples, c’est que nous n’avons véritablement pas conscience de la durée de nos sensations et perceptions par l’application d’une forme a priori, mais que nous évaluons a posteriori cette durée d’après leur nombre et leur variété.

Sous les villes englouties par le Vésuve on trouve encore, si on fouille plus avant, les traces de villes plus anciennes, précédemment