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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

Des amis qui venaient s’asseoir près du foyer,
Je m’étonne : mon âme hésite et se partage
Entre ses souvenirs et la réalité.
Je les reconnais bien, et pourtant je me trouve
Inquiet auprès d’eux, presque désenchanté ;
Peut-être éprouvent-ils aussi ce que j’éprouve :
Tous, en nous retrouvant, nous nous cherchons encor.
Entre nous est venu se placer tout un monde ;
Nous appelons en vain ce cher passé qui dort,
Nous attendons, naïfs, qu’il s’éveille et réponde ;
Lui, sous le temps qui monte à jamais submergé,
Il reste pâle et mort ; tout est encor le même,
Je crois, autour de nous ; en nous tout est changé :
Notre réunion semble un adieu suprême.