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THÉORIE EXPÉRIMENTALE ET THÉORIE KANTIENNE

notre monde intérieur détruit, le temps aurait dormi immobile. La représentation du temps est donc du luxe ; quant à la conscience immédiate du passage d’un état à un autre état, elle pourrait être réduite à tel point que l’existence interne recommençât à chaque moment, et cela, sans qu’un spectateur du dehors s’en aperçût. Ce serait une série d’éclairs intérieurs dont chacun existerait pour lui seul : la conscience de la continuité aurait disparu. Ce n’est là sans doute qu’une supposition, une sorte d’état-limite : en fait, à l’état normal, l’être animé se sent passer d’une sensation à l’autre et la représentation de la succession suit de très bonne heure les successions de représentations ; mais elle les suit comme leur effet constant ; elle ne les précède pas comme leur cause, elle ne les conditionne même pas. La vraie condition est ailleurs. Elle est dans la réelle existence de la succession et du mouvement hors de nous, et aussi dans notre cerveau. Le cadre a priori du temps est notre crâne.


II. — Pour déblayer en quelque sorte le terrain où doivent se porter les recherches de Guyau, analysons la démonstration kantienne,