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INTRODUCTION

l’imagination en termes « d’intuition extérieure », et enfin, c’est une intuition du sens interne. Le temps est d’abord une intuition d’objet, puis il se trouve que cet objet n’existe pas, que c’est simplement notre manière constante de sentir dont nous avons la conscience. Bien plus, si nous apercevions les choses en elles-mêmes, Kant nous apprend (comme s’il y était allé voir) que le temps s’évanouirait ; ce prétendu objet pur d’une intuition pure finit donc par être une ombre, une illusion de la caverne. Et cependant, le monde des choses réelles a la complaisance de venir se ranger dans ce cadre de notre sensibilité ; les éclipses prédites par les astronomes arrivent à point nommé, comme si le temps était un rapport objectif des choses. Comment donc a lieu cette harmonie entre notre sensibilité et les choses réelles ? Dire que nous imposons nos formes à l’Univers n’avance à rien, car rien n’oblige la matière de l’Univers à se mouler si docilement sur nos formes, ni le soleil à s’éclipser pour faire honneur aux formes de notre sensibilité, ni notre corps à mourir et à se décomposer selon les prévisions de la science, uniquement pour se conformer à notre intuition du temps.