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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

se meuvent ensemble comme deux roues d’un engrenage ; on peut dire que l’animal se représente presque l’homme comme le frappant actuellement : sa colère n’en est que plus forte. Il n’y a pas prescription pour l’animal, parce qu’il n’y a pas chez lui un sens net de la durée.

De même, toutes les sensations que l’enfant a eues continuent de retentir en lui, coexistent avec les sensations présentes, luttent contre elles ; c’est un tumulte inexprimable, où le temps n’est pas encore introduit. Le temps ne sera constitué que quand les objets se seront disposés sur une ligne, de telle sorte qu’il n’aura qu’une dimension, la longueur. Mais primitivement il n’en est pas ainsi : cette longue ligne qui part de notre passé pour se perdre dans le lointain de l’avenir n’est pas encore tirée. L’enfant n’ayant pas développé l’art du souvenir, tout lui est présent. Il ne distingue nettement ni les temps, ni les lieux, ni les personnes. L’imagination des enfants a pour point de départ la confusion des images produite par leur attraction réciproque ; ils mêlent ce qui a été, ce qui est ou sera ; ils ne vivent pas comme nous dans le réel, dans le déterminé, ne circonscrivent aucune sensation, aucune image ; en d’autres