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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

car toute durée, tout cours du temps, pouvant se décomposer en présent et en passé, consiste essentiellement dans l’addition de quelque chose à la pure et immobile idée du présent. Cette idée même du présent est une conception abstraite, dérivée, qui n’existait à l’origine qu’implicitement dans celle de l’action, de l’effort actuel. Le vrai présent, en effet, serait un instant indivisible, un moment de transition entre le passé et le futur, moment qui ne peut être conçu que comme infiniment petit, mourant et naissant à la fois. Ce présent rationnel est un résultat de l’analyse mathématique et métaphysique : le présent empirique d’un animal, d’un enfant, et même d’un adulte ignorant, en est très éloigné ; c’est un simple morceau de durée ayant en réalité du passé, du présent et du futur, morceau divisible en une infinité de présents mathématiques auxquels ne songe ni l’animal, ni l’enfant, ni l’homme vulgaire. Le vrai point de départ de l’évolution n’est donc pas plus l’idée du présent que celle du passé ou du futur. C’est l’agir et le pâtir, c’est le mouvement succédant à une sensation.

L’idée des trois parties du temps est une scission de la conscience. Quand les cellules de certains animaux sont parvenues à tout leur