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LE TEMPS ET LA MÉMOIRE

preinte, mais cette empreinte même revivre à un moment donné du temps et reproduire dans l’objet une vibration nouvelle. Peut-être, après réflexion, l’instrument le plus délicat, réceptacle et moteur tout ensemble, auquel on pourrait comparer le cerveau humain, serait le phonographe récemment inventé par Edison. Depuis quelque temps déjà nous pensions à indiquer cette comparaison possible, quand nous avons trouvé, dans un article de M. Delbœuf sur la mémoire, cette phrase jetée en passant qui nous confirme dans notre intention : « L’âme est un cahier de feuilles phonographiques. »

Quand on parle devant le phonographe, les vibrations de la voix se transmettent à un style qui creuse sur une plaque de métal des lignes correspondantes au son émis, des sillons inégaux, plus ou moins profonds suivant la nature des sons. C’est probablement d’une manière analogue que sont tracées sans cesse dans les cellules du cerveau d’invisibles lignes, qui forment les lits des courants nerveux. Quand, après un certain temps, le courant vient à rencontrer l’un de ces lits tout faits, où il a déjà passé, il s’y engage de nouveau. Alors les cellules vibrent comme elles ont vibré une première fois, et à cette vibration similaire