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Page:Guyau - Les Problèmes de l’esthétique contemporaine.djvu/232

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sans cesse. Pour le comprendre, il suffit d’ôter une syllabe aux deux célèbres vers de Racine :


Ariane, hélas ! de quel amour blessée
Tu mourus aux bords où tu fus délaissée.


Ce distique boiteux fait ressortir toute la différence qui sépare le vers de onze pieds d’un véritable vers. Il ne pourrait servir que là où le poète se donnerait à tâche de causer une sorte d’irritation, d’agacement du système nerveux.

Pour la même raison, le vers de treize pieds n’est pas justifiable :


Le chant de l’orgie — avec des cris au loin proclame
Le beau Lysios, — le Dieu vermeil comme une flamme. (De Banville.)


Il n’est pas moins boiteux, mais il l’est plus lourdement. De même pour le vers de quinze syllabes :


Ô des poètes l’appui — favorise ma hardiesse (Baïf.)


Restent donc les vers de quatorze et de seize pieds. On a essayé du vers de quatorze syllabes, divisé par la césure en deux tronçons de six et de huit :


Voici qu’elle reflue et que, l’une de l’autre écloses,
Ses vagues sans fracas remontent vers leur lit de roses. (André Lefèvre.)


Quoique ces deux nombres offrent entre eux une proportion satisfaisante, ils représentent déjà un chiffre trop