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Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/46

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de boue, dormant ou fumant, tandis que quelques vedettes surveillaient la campagne, dans la direction d’un village que je reconnus être Peltre[1].

J’étais venu là autrefois, lorsque j’étais élève du lycée de Metz et je commençais à entrer dans un pays que j’avais parcouru souvent. Quelle différence avec ce qu’il était autrefois et ce que je le voyais aujourd’hui !

Un sous-officier vint poliment me prier de m’asseoir, en attendant l’officier, qui était plus loin et qu’un soldat partit avertir. Tous les uhlans me regardaient en dessous, riant et chuchotant.

Moi je ne savais comment se terminerait mon aventure.

L’officier arriva : il était tout jeune, très grand et très pâle. Il s’entretint quelque temps avec les deux uhlans de la barrière, qui lui expliquaient sans doute comment ils m’avaient arrêté !

« Qui êtes-vous, d’où venez-vous, où allez-vous ? » me demanda l’officier en excellent français.

Je répondis simplement aux deux premières questions ; quant à la troisième, je ne pouvais dire que j’allais à Metz, ce qui eût fait soupçonner à l’instant ou que je voulais servir dans l’armée française, ou que j’avais une mission à remplir : l’un et l’autre cas étaient passifs de peine de mort, d’après les édits prussiens affichés partout.

Je répondis donc « que selon la liberté que me donnait un sauf-conduit, délivré par l’autorité allemande, je me rendais près de ma mère, veuve et infirme, sur la frontière du Luxembourg. » Je montrai en même temps ce papier que l’officier examina attentivement.

  1. Ce pauvre village, qui se trouve sur la ligne de Metz à Forbach, a été incendié quelques jours après par les Prussiens. Les habitants étaient coupables d’avoir reçu les Français dans une sortie. Une heure leur fut donnée pour quitter le village et aussitôt le feu fut mis méthodiquement.