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Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/97

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les chambres désertes, en proie à un violent désespoir, éclatant en sanglots, lorsqu’un souvenir de ma mère et des jours passés frappait mes regards !

Ma jeunesse tout entière revenait devant moi : je voyais ma mère, privée déjà d’un mari aimé, se consacrer à mon éducation, me combler de bontés, puis sacrifier ses petites rentes pour m’envoyer à la faculté !

Je me rappelais tout cela et je me reprochais presque de l’avoir laissée mourir ! Comme si j’avais pu retarder le bras de la mort !

Enfin je dis à Magdeleine de me conduire au cimetière sur la tombe de ma mère. Nous traversâmes le village sans nous arrêter et je vins m’agenouiller près d’une humble croix, placée dans la terre encore humide.

Magdeleine me dit que ma mère était morte depuis huit jours : sa santé avait été entièrement brisée par l’abandon où elle se trouvait et par les angoisses que lui causait le manque de mes nouvelles.

Elle m’avait cru mort et elle était partie en disant :

« Je le reverrai là-haut ! »

Pourquoi donc n’étais-je pas mort comme elle ? Au moins nous serions ensemble, délivrés d’une vie qui ne pouvait plus être pour nous qu’une souffrance continuelle !

Je restai longtemps sur cette pauvre tombe, abîmé dans mille réflexions amères, et Magdeleine dut m’entraîner loin du cimetière et me ramener à la maison.

Quelques jours s’étaient écoulés depuis mon retour, et cependant, toujours accablé de douleur, incapable de m’occuper d’affaires sérieuses, je passais mon temps à revoir les lieux où j’avais goûté autrefois tant de joie et de bonheur.

Le souvenir de Wilhelmine, affaibli pendant quelque temps par mes violentes impressions, s’était ranimé vivement en moi. Seul aujourd’hui, je n’avais plus qu’elle et son père pour revivre au passé !