Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/100

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et plus par jour ferait partie du Quatrième État, mais le petit instituteur qui gagne quelques centaines de francs par an en serait exclu, le petit employé en serait considéré comme indigne ?

Un jour, M. Curé était candidat au Conseil municipal de Paris à Vaugirard. Curé était fils de paysans bourguignons, avait commencé par être ouvrier jardinier, puis s’était établi maraîcher. Il avait pour concurrent un petit monsieur, à l’air chétif, malingre, qui criait sur tous les tons :

— C’est moi que vous devez élire, car je représente le parti ouvrier, je suis ouvrier.

Quand il eut fini son discours, Curé le prit par le bras à son grand effroi et l’amena sur le bord de la tribune, puis il lui cria :

— Montre ta main ! voici la mienne !

Alors aux applaudissements de l’auditoire, il étala, à côté de la main « de l’ouvrier », fine et blanche, une main large et pleine comme un battoir, puis il dit dédaigneusement :

— Lequel de nous deux est le véritable ouvrier ?

L’homme qui prétendait incarner le Quatrième État s’effondra.

Il est vrai qu’il avait la ressource de dire en s’en allant :

— Moi je suis un travailleur de la pensée ! Je suis un travailleur de la plume.

Alors Victor Hugo faisait partie du Quatrième État, comme Alexandre Dumas ou Renan. Sans y avoir autant de titres que l’auteur de l’Assommoir, j’y réclame aussi ma place.

Si vous excluez le travailleur de la plume, c’est