Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/248

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autres » ? Est-ce que dans l’état de nature les biens n’étaient pas en commun ? Ce régime est donc possible, on peut y revenir. Est-ce que l’État ne nourrissait pas la populace de Rome ? Pourquoi l’État n’aurait-il pas le monopole du commerce des blés ? Pourquoi pas celui de l’alcool ? Il a bien celui des tabacs et des allumettes. Pourquoi ne se chargerait-il pas de services qu’il a remplis plus ou moins dans le passé et qu’il peut remplir mieux dans l’avenir ?

Cette question part d’abord de cette fausse conception du contrat social de Hobbes et de Rousseau qui a dominé la Révolution et qui continue à dominer la plupart de nos publicistes et de nos hommes politiques.

Hobbes incarne l’État « dans une personne autorisée dans toutes ses actions, par un certain nombre d’hommes ». Il remet à cette personne l’épée de la justice et l’épée de la guerre, le droit de juger, de nommer aux emplois, le droit de fixer ce qui est juste et injuste, le droit d’autoriser ou de produire des doctrines ou des opinions, le droit de propriété.

Montesquieu lui-même dit : « Les hommes ont renoncé à leur indépendance naturelle pour vivre avec des lois politiques. »

Rousseau imagine un contrat social, qui met fin à l’état de nature, et dont « les clauses bien entendues se réduisent à une seule, savoir l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté. L’aliénation se faisant sans réserves, l’union est aussi puissante qu’elle peut l’être et nul n’a plus rien à réclamer[1]. »

  1. Cont. social, liv. I, ch. 7.