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Les socialistes nous parlent de la Société, existant en dehors des individus, indépendante d’eux, ayant des vertus propres, pouvant donner des droits, du bonheur, de la richesse : ils sont à la sociologie ce que les vitalistes étaient à la physiologie[1].

Le socialisme allemand, qui inspire nos socialistes français, dérive philosophiquement de l’hegelianisme.

Plus logiques qu’Hegel qui se bornait à dire que « l’État ou la nation est la substance de l’individu ; que celui-ci n’a pas d’autres droits que ceux qui lui sont conférés par l’État ; que la nation représente le droit », ils étendent son panthéïsme national à la Société tout entière. Le philosophe qui en arrivait à souhaiter la force d’un dictateur pour amalgamer la vile multitude du peuple allemand était l’homme pratique. Les socialistes, en vertu de l’inconséquence qui les force d’être libéraux en politique, tant qu’ils n’ont pas le pouvoir, sont obligés d’étendre leur vœu de dictature à la « Société » entière, afin de ne pas courir le risque de se voir poser cette question : — « De quoi vous plaignez-vous ? Est-ce que l’Empire allemand n’a pas réalisé la conception de Hegel ? N’a-t-il point fait des lois socialistes ? il n’y a qu’à continuer. »

Hegel, lui-même, dans sa Philosophie du droit est obligé de dire que « l’histoire universelle est l’histoire de la liberté, le récit des vicissitudes à travers lesquelles l’esprit acquiert la conscience de la liberté qui est son essence. » Et qu’est-ce que la liberté ? sinon la reprise de l’individu par lui-même sur la masse qui l’absorbait.

Non seulernent Hegel arrivait ainsi à constater le

  1. V. Duclaux. Le microbe et la maladie, p. 116.