Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/39

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nité. Elles sont stationnaires. Les vérites intellectuelles nées de l’esprit d’examen sont seules progressives. Les gens, qui en brûlaient d’autres au nom de la religion, se croyaient vertueux. C’est le progrès intellectuel qui a supprimé ces pratiques. Les diplomates du traité de Westphalie (1648) n’étaient ni personnellement ni intentionnellement vertueux ; mais en éliminant la question religieuse des guerres européennes ils ont fait un grand acte moral. Actuellement aucun ministre n’oserait dire, comme Lord Shaftesbury en 1672 : « Il est temps de faire la guerre à la Hollande pour rétablir notre commerce ; » comme Lord Hardwicke, en 1743 : « Il faut ruiner le commerce de la France pour nous ouvrir des débouchés sur le continent ! » La théorie des sentiments moraux d’Adam Smith n’a pas eu grande action sur la direction de l’humanité ; mais Buckle a pu dire avec raison de son traité de la Richesse des nations que « c’est probablement le livre le plus important qu’on ait jamais écrit et qu’il a plus fait pour le bonheur de l’homme » que tant d’agitations qui, le plus souvent, ont manqué leur but. Quand les philosophes français et les physiocrates élaboraient dans leurs cabinets respectifs les Principes de 89, ils faisaient plus pour le développement de l’humanité que tous les prédicateurs qui enjoignaient dans leurs chaires la charité et l’humilité aux grands, l’obéissance et la résignation aux petits[1]. Quand les employeurs et les travailleurs seront convaincus de la vérité des lois économiques, qu’ils les connaîtront, qu’ils sauront que les

  1. Voir Yves Guyot, la Morale, 1883.