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DISCOURS


prononcé par


Gaston PARIS


Membre de l’Académie Française, le 14 Août 1898


aux Fêtes de Ploujean[1]


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Mesdames, Messieurs,

Mon premier mot doit être un mot de remerciement pour les organisateurs de cette belle fête, qui m’ont fait le grand honneur de m’inviter à la présider. Cet honneur, je ne l’ai reçu sans un certain étonnement. Rien ne me désignait, semblait-il, pour en être l’objet. Champenois de naissance, Parisien de vie, et depuis quelques années Normand d’adoption, quels titres avais-je à présider cette réunion essentiellement bretonne ?… J’en avais cependant, et mes amis Le Braz et Le Goffic, en me faisant appeler au milieu de vous, savaient bien qu’ils touchaient une des fibres intimes de mon coeur. Depuis plus de trente ans, j’ai été préoccupé par ce qu’on appelait un moyen âge la « matière de Bretagne » ; j’ai cherché curieusement, à l’aide des vieux textes ou des traditions vivantes, cette source mystérieuse, jaillie du vieux sol celtique, qui, épandue tout à coup à partir du onzième siècle, a fécondé toutes les littératures modernes et verse encore dans notre poésie, sans que celle-ci le plus souvent s’en doute, sa fraîcheur inépuisable et sa saveur enivrante et fine. J’ai passé bien des années de ma vie, comme mon compatriote Chrétien de Troyes, à rêver le rêve breton en compagnie d’Arthur, de Guenièvre, de Merlin et de Tristan. J’ai, comme le Normand Wace, visité la forêt de Brocéliande, pour y vénérer les chênes prophétiques et les fontaines enchantées. J’ai essayé de retrouver les notes oubliées de la harpe, de la rote de vos vieux chanteurs, et de les rendre familières, comme jadis, à l’oreille des Français, qu’elles ont tant ravie…

  1. M. Gaston Paris qui avait fait l’honneur aux organisateurs de la reconstitution du théâtre breton de vouloir bien présider la fête, autorise aujourd’hui comme préface de la Vie de Sainte-Tréphine la publication de son magnifique discours qui est le plus bel éloge qu’on puisse faire de l’œuvre bretonne actuellement poursuivie.