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JEAN RIVARD

centre de chacune de ces roulettes ; le reste du charriot reposait sur l’essieu. Cette charrette, il faut l’avouer, n’était pas un modèle d’élégance et n’aurait certainement pas obtenu le prix à l’exposition universelle ; mais telle que construite, elle pouvait rendre au moins quelque service. D’ailleurs, dans les commencements de la carrière du défricheur, c’est à peine s’il se passe un jour sans qu’il soit appelé à faire, comme dit le proverbe, de nécessité vertu.

Notre héros, après divers essais plus ou moins heureux, était devenu tout aussi habile que Pierre Gagnon à façonner et fabriquer les objets qui pouvaient lui être utiles. On a dit depuis longtemps que le besoin est l’inventeur des arts, et rien ne prouve mieux cette vérité que la vie du défricheur canadien. En peu de temps, Jean Rivard s’était mis au fait de tout ce qui concerne le travail du bois et son application aux usages domestiques et usuels ; et il avait coutume de dire en plaisantant qu’avec une scie, une hache, une tarière et un couteau, un homme pouvait changer la face du monde.

« Tonnerre d’un nom ! mon bourgeois, disait souvent Pierre Gagnon : Robinson Crusoé et Vendredi n’étaient que des mazettes à côté de nous deux ! »

Il faut que le lecteur me permette d’empiéter sur l’avenir pour énoncer un fait de la plus grande importance dans notre récit : je veux parler du résultat de cette première récolte de Jean Rivard.

Les quatre arpents de terre qu’il avait semés en blé lui rapportèrent quatre-vingt minots, — ses quatre arpents d’avoine, cent soixante, — ses deux arpents d’orge, quarante, — ses deux arpents de sarrasin, soix-