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MARIA CHAPDELAINE

pis autour d’un feu de cyprès sec, devant leurs tentes, et promenaient leurs regards sur un monde encore rempli pour eux comme aux premiers jours de puissances occultes, mystérieuses : le Wendigo géant qui défend qu’on chasse sur son territoire ; les philtres malfaisants ou guérisseurs que savent préparer avec des feuilles et des racines les vieux hommes pleins d’expérience ; toute la gamme des charmes et des magies. Et voici que sur la lisière du monde blanc, à une journée des « chars », dans la maison de bois emplie de boucane âcre, un sortilège impérieux flottait aussi avec la fumée et parait de grâces inconcevables, aux yeux de trois jeunes hommes, une belle fille simple qui regardait à terre.

La nuit avançait ; les visiteurs s’en allèrent : les deux Surprenant d’abord, puis Eutrope Gagnon, et il ne resta plus que François Paradis, debout, qui semblait hésiter.

— Tu couches icitte à soir, François ? demanda le père Chapdelaine.

Sa femme n’attendit pas une réponse.

— Comme de raison ! fit-elle. Et demain on ira tous ramasser des bleuets. C’est la fête de sainte Anne.

Lorsque, quelques instants plus tard, François monta l’échelle avec les garçons, Maria en ressentit un plaisir ému. Il lui paraissait venir