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MARIA CHAPDELAINE

leur feuillage au milieu de la colonnade des troncs dépouillés et noircis.

François Paradis regarda autour de lui comme pour s’orienter.

— Les autres ne doivent pas être loin, dit-il.

— Non, répondit Maria à voix basse.

Mais ni l’un ni l’autre ne poussa un cri d’appel.

Un écureuil descendit du tronc d’un bouleau mort et les guetta quelques instants de ses yeux vifs avant de se risquer à terre. Au milieu de la clameur ivre des mouches, les sauterelles pondeuses passaient avec un crépitement sec ; un souffle de vent apporta à travers les aunes le grondement lointain des chutes.

François Paradis regarda Maria à la dérobée, puis détourna de nouveau les yeux en serrant très fort ses mains l’une contre l’autre. Qu’elle était donc plaisante à contempler ! D’être assis auprès d’elle, d’entrevoir sa poitrine forte, son beau visage honnête et patient, la simplicité franche de ses gestes rares et de ses attitudes, une grande faim d’elle lui venait et en même temps un attendrissement émerveillé, parce qu’il avait vécu presque toute sa vie rien qu’avec d’autres hommes, durement, dans les grands bois sauvages ou les plaines de neige.

Il sentait qu’elle était de ces femmes qui, lorsqu’elles se donnent, donnent tout sans compter :