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MARIA CHAPDELAINE

C’est fait. Le voilà devant elle, avec sa haute taille et sa force, sa figure cuite par le soleil et la réverbération de la neige, et ses yeux hardis. Il est revenu, heureux de la revoir et heureux aussi d’avoir tenu ses promesses, d’avoir vécu toute une année en garçon sage, sans sacrer ni boire. Il n’y a pas encore de bleuets à cueillir, puisque c’est le printemps ; mais ils trouvent quelque bonne raison pour s’en aller ensemble dans le bois ; il marche à côté d’elle sans la toucher ni rien lui dire, à travers le bois de charme qui commence à se couvrir de fleurs roses, et rien que le voisinage est assez pour leur mettre à tous deux un peu de fièvre aux tempes et leur pincer le cœur.

Maintenant ils se sont assis sur un arbre tombé, et voici qu’il parle.

— Vous êtes-vous ennuyée de moi, Maria ?

C’est assurément cela qu’il demandera d’abord ; mais elle ne peut pas aller plus loin dans son rêve, parce que lorsqu’elle est arrivée là une détresse l’arrête. Oh ! mon Dou ! Comme elle aura eu le temps de s’ennuyer de lui, avant que ce moment-là vienne ! Encore tout le reste de l’été à traverser, et l’automne, et tout l’interminable hiver ! Maria soupire ; mais l’infinie patience de sa race lui revient bientôt, et elle commence à penser à elle-même, et à ce que toutes ces choses signifient pour elle.

Pendant qu’elle était à Saint-Prime une de