Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/133

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dard » et scièrent, scièrent, scièrent du matin au soir ; puis les haches eurent leur tour et fendirent les bûches selon leur taille. Il ne restait plus qu’à corder le bois fendu dans le hangar accoté à la maison, à l’abri des grandes neiges, en piles imposantes où se mêlaient le cyprès gommeux qui flambe de suite avec une grande flamme chaude, l’épinette et le merisier qui brûlent régulièrement et font un feu soutenu, et le bouleau au grain serré et poli comme du marbre, qui ne se consume que lentement et montre encore des braises rouges à l’aube d’une longue nuit d’hiver.

L’époque où l’on empile le bois est aussi celle où l’on « fait boucherie ». Après la défense contre le froid, la défense contre la faim. Les quartiers de lard s’entassèrent dans le saloir ; à la poutre du hangar se balança la moitié d’une belle génisse grasse — l’autre moitié avait été vendue à des habitants de Honfleur — que le froid devait conserver fraîche jusqu’au printemps ; des sacs de farine furent rangés dans un coin de la maison, et Tit’Bé prit un rouleau de fil de laiton et commença à confectionner des collets pour tendre aux lièvres.

Une sorte d’indolence avait succédé à la grande hâte de l’été, parce que l’été est terriblement court et qu’il importe de ne pas perdre une heure des précieuses semaines pendant lesquelles on peut travailler la terre, au lieu