Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/140

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le soir, qu’on obtient toujours la faveur qu’on demande quand on dit mille Ave le jour avant Noël ?

— C’est vrai, répondit la mère Chapdelaine d’un air grave. Une personne qui a quelque chose à demander et qui dit ses mille Ave comme il faut avant le minuit de Noël, c’est bien rare si elle ne reçoit pas ce qu’elle demande.

La veille de Noël, le temps était froid, mais calme. Les deux hommes sortirent de bonne heure pour tenter encore de battre le chemin, sans grand espoir ; mais longtemps avant leur départ et à vrai dire longtemps avant le jour, Maria avait commencé à réciter ses Ave. Réveillée de bonne heure, elle avait pris son chapelet sous son oreiller et de suite s’était mise à répéter la prière très vite, revenant des derniers mots aux premiers sans aucun arrêt et comptant à mesure sur les grains du chapelet.

Tous les autres dormaient encore ; seul, Chien avait quitté sa place près du poêle en la voyant remuer et était venu s’accroupir près du lit, solennel, la tête posée sur les couvertures. Les regards de Maria se promenaient sur le long museau blanc appuyé sur la laine brune, sur les yeux humides où se lisait la simplicité pathétique des animaux, sur les oreilles tombantes au poil lisse, pendant que ses lèvres murmu-